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Le monde du vin et de la gastronomie a appris à vous connaitre depuis de plus de 10 ans maintenant et encore plus depuis vos distinctions. Qui se cache derrière la femme des titres et des éloges ? 

Quelqu’un d’assez simple. Je suis sommelière de métier, philosophe de formation, New-Yorkaise depuis 11 ans maintenant et Ligérienne de coeur où j’ai grandi. Je suis quelqu’un de passionné par le vin qui essaye de bien faire son métier et de transmettre comme elle peut le travail des vignerons qu’elle admire. 

 

Meilleur Ouvrier de France Sommellerie et Meilleure Sommelière de France (dans sa nouvelle version de 1986) c’était un objectif, une consécration, le début d’une histoire ? 

Les concours de Meilleur Ouvrier de France Sommellerie et Meilleure Sommelière de France étaient des objectifs. Lorsque j’ai commencé en tant que sommelière en 2005 j’ai immédiatement voulu participer à cela. Ma première participation au Meilleur Sommelier de France était en 2008 : c’était un objectif personnel, où je me disais probablement, qu’à un moment donné, cela pourrait m’aider dans ma carrière. Les trois premières tentatives ont été infructueuses et c’est à ce moment que j’ai décidé de faire un break aux États-Unis. MOF (Meilleur Ouvrier de France) c’est un concours que j’avais dans un coin de ma tête depuis un certain temps. J’évoluais dans ma carrière et j’ai commencé à prendre des postes avec plus de responsabilités, d’encadrement, de management, d’enseignement et donc, j’étais très attirée par la transmission de la connaissance de l’artisanat et des capacités que nous avions à le mettre en avant, surtout auprès des jeunes. MOF c’était une suite logique à cette évolution. 

Étant à l’étranger, j’ai perdu un petit peu pied avec cet héritage de la sommellerie et de la gastronomie à la française. C’était donc, une formidable occasion pour moi de revoir mes classiques. Au moment de prendre ma décision de préparer le concours de MOF, le hasard du calendrier faisait que le concours du Meilleur Sommelier de France se déroulait en même temps. Mon objectif n’était pas cette fois de les gagner mais de voir où je me situais dans ma carrière et dans mes capacités à être la professionnelle que j’avais envie d’être au quotidien. C’était des objectifs oui, mais des objectifs d’évolution personnelle avec le concours MOF en priorité et le MSF en bonus. Aujourd’hui je crois que le pari est réussi ? (Rires). 

Pascaline Lepeltier

Pascaline Lepeltier

Dans un entretien pour la Revue des Vins de France vous évoquez le concours de MOF comme une école de la transmission. Comment aujourd’hui, vivez-vous l’importance de transmettre cette mémoire et ce savoir ? 

Absolument. Je le percevais déjà auparavant. Le concours de MOF m’a permis de voir que j’étais dans la bonne direction de réflexion et de compréhension du savoir et de la possibilité de le redonner. C’était un petit peu compliqué à New-York. Le Meilleur Ouvrier de France, ne veut pas dire grand-chose aux États-Unis. Mais je suis également Master Sommelier, titre qui véhicule également des objectifs de transmission du savoir et les gens me connaissent plus pour ce titre. Aux États-Unis, les titres ne comptent pas vraiment. Dans mon restaurant, ma clientèle et mes étudiants ne me connaissent pas forcément pour eux. Malgré tout, quand vous portez le col Bleu, Blanc, Rouge, ça vous fait quelque chose. Il y a vraiment une éthique de travail qui est maintenant gravée dans mon esprit et avec un respect immense pour ce titre. En soi, le contenu du savoir n’est pas le plus important, mais l’éthique du travail l’est et je pense que quand vous êtes MOF vous vivez avec cette éthique de travail au quotidien.

Les métiers de la sommellerie évoluent. Aussi bien dans la représentation du grand public et des professionnels que dans les missions. Quels sont pour vous les plus grandes évolutions de ces dernières années ? 

L’évolution du métier de la sommellerie est indéniable. Souvent, la sommellerie reflète une image formelle avec une profession plutôt réservée aux hommes. Malgré cela, on voit de plus en plus de jeunes femmes, étudiantes sommelières. C’est vraiment fantastique car on a une base forte et puissante qui est en train de se mettre en place. L’accès aux médias est de plus en plus important, la prise de parole également. C’est un constat général et un engouement pour toutes ces jeunes femmes extrêmement talentueuses qui arrive. 

Mais nous ne sommes pas encore au mouvement suivant à savoir la prise de position et de pouvoir des femmes au niveau de l’entreprenariat, à la tête d’entreprises ou dans des postes clés. C’est pour moi, la prochaine étape. On voit encore aujourd’hui, qu’il y a encore beaucoup de pré-supposé sociaux. La façon dont nous travaillons aujourd’hui est gravée dans la société. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour ça.

Je ne connais pas encore énormément de femmes ici (aux États-Unis) qui sont à la tête de leur restaurant, qui sont Cheffe Sommelière ou qui sont à des postes clés dans de très gros groupes. Il y en a, mais il n’y en a pas assez, cela reste une minorité. Et il y a plus globalement un problème d’inclusion de toutes les minorités, surtout ici…

Un autre constat, beaucoup de jeunes femmes rentrent et sortent de la profession : c’est-à-dire qu’elles commencent leur carrière de sommelière et au bout de 4-5 ans elles arrêtent. En revanche, le métier est devenu beaucoup plus facile, qu’avant. La pénibilité de la tâche a énormément diminué. L’époque du harcèlement moral semble en passe d’être révolue même s’il y a encore beaucoup de problèmes liés au harcèlement sexuel aujourd’hui. Un des critères historiques était « c’est trop dur pour les femmes car elles ne peuvent pas porter les caisses ». Je crois qu’aujourd’hui, nous avons dépassé ce stade. Mais les préjugés sur l’image de la femme ne sont pas tous pour autant derrière nous, et malheureusement beaucoup sont plus pernicieux, inscrits de inconsciemment dans nombre de cultures et civilisations.

Malgré cela, d’autres difficultés apparaissent. Ici aux États-Unis, on ne peut pas gérer la garde d’enfants et être sommelière. J’ai une amie, excellente sommelière, qui travaille dans un magnifique établissement 3 étoiles à New-York. À la naissance de son enfant, elle a demandé si elle pouvait modifier son planning de travail pour organiser la garde du bébé. Elle a été confrontée à un refus, alors que l’équipe est composée de 10 personnes. C’était un refus sans aucun effort. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il faut bien comprendre une chose, si vous ne changez pas les structures sociales il y aura toujours des inégalités. Tant que vous êtes jeunes et qu’il n’y a pas de responsabilités familiales, « c’est facile ». Les pré-supposé sociaux font qu’aujourd’hui c’est encore la femme qui reste à la maison. 

Pascaline Lepeltier

Portrait Pascaline Lepeltier

Le monde du digital et les informations en ligne prennent une place de plus en plus importante dans nos vies et dans notre quotidien. Comment concevez-vous ces nouveaux médias et le lien avec votre métier ? 

Le digital est un vaste monde que je scinderais en deux. D’une part les médias sociaux et d’autre part l’écrit et son lien au digital. 

Tout d’abord, le digital et l’écrit dans le monde du vin ça bouleverse la donne. On perçoit à la fois la difficulté de la presse écrite à ne pas souffrir et à la fois les manières de s’informer et d’aller chercher l’information évoluée. Aujourd’hui, grâce au digital, on dispose rapidement d’une information et on possède la capacité d’achat. Cela se ressent même au niveau de la critique historique où quelques figures tutélaires deviennent peu à peu ineptes face à ce mouvement des commentaires de consommateurs. L’émergence d’applications comme Vivino, Delectable, Wine Searcher, etc. qui donne des scores, des notes, des appréciations et que beaucoup d’amateurs suivent, comptent autant que des personnes comme Jancis Robinson, la RVF et d’autres. C’est dire l’évolution de la critique. 

De nos jours, nous sommes sur une compréhension du vin via l’image, via une étiquette, via un score et beaucoup moins via une analyse car les gens n’ont plus le temps de lire. D’où le fait, que des articles traitant du fond et essayant de développer des idées se fassent de plus en plus rares. Le faible nombre des supports, le fait que peu de journalistes vivent et soient payés pour parler du vin, écrire des articles sur le vin sont également en cause. C’est assez paradoxal. Il y a un enrichissement du point de vue du nombre mais un appauvrissement du point de vue de la qualité. Beaucoup de dépêche AFP mais peu de mise en perspective, d’articles de fond et de réflexion sur le pourquoi du comment. 

À New-York, Instagram est le réseau le plus utilisé. C’est une manière de communiquer pour beaucoup de consommateurs jeunes et plus âgés suivant des personnalités très particulières. Ils regardent ce que les personnalités boivent, leurs styles de vie et par la suite l’utilisent vraiment comme prescripteur de vin. 

Et le point commun avec le digital et l’écrit est finalement le même. Instagram est avant tout une application d’image, les textes sont relativement limités mais, si vous suivez les bonnes personnes c’est devenu un moyen incroyable de communication. À titre personnel, je l’utilise énormément. Il faut avouer que ce réseau a attiré énormément de clientèle dans mon restaurant et m’a permis de créer du lien partout dans le monde. Je suis en contact avec des vigneron(ne)s, des sommelier(e)s, des cavistes, des amateurs du monde entier, je découvre plein de choses grâce à eux – mais je trie beaucoup ! 

Il y a une chose qui m’attriste et qui est la face inverse de la pièce. Si vous ne suivez pas les bonnes personnes, les bons écrivains, les bons journalistes ou si vous ne lisez pas les bons sites internet, il y a quand même une facilité qu’une fausse information, une information partielle ou un effet de mode se répande et c’est dommageable car derrière peu de monde fera le travail de correction et le problème est là. Une fois que c’est “out”, c’est “out”…

Pour finir sur ce sujet, j’ai souvenir de ce basketteur Lebron James qui adore le vin. Lorsqu’il avait publié une étiquette d’Emilio Pépé ce producteur « d’Abruzo » sur son compte, des milliers de bouteilles ont été vendues en quelques clics avec une simple photo. Ça reste quand même incroyable. 

La tendance pour les professionnels de la filière est de s’entourer de sommeliers reconnus pour faire connaître leurs vins. Comment percevez-vous ces collaborations et quels conseils donneriez- vous pour ne pas tomber dans le piège du clientélisme ? 

Il faut apprendre à dire non. La médiatisation entraîne avec elle beaucoup de sollicitations. À nous de comprendre quelles sont les valeurs qui définissent votre travail et quelle image publique vous souhaitez renvoyer. L’appât du gain est très facile. On peut par exemple vous offrir des sommes relativement conséquentes, ça m’est arrivé évidemment. C’est un choix de carrière et une question « comment avez-vous envie de la mener ? ». 

Personnellement, j’ai des critères précis, une certaine vision et des perspectives sur la filière viticole que je défends au quotidien et qui sont devenues ma « marque de fabrique ». Il est hors de question que je collabore avec des gens qui ne sont pas dans la même dynamique. Ça n’est pas facile de dire non, j’en ai conscience. J’ai appris à dire non, et je dis beaucoup plus non que oui! Je peux me permettre de le faire car contrairement à d’autres collègues notamment ici (aux États-Unis) j’ai mon entreprise, je suis encore en salle et cela m’apporte des revenus. Ce n’est donc pas comme si j’étais indépendante et Freelance à devoir démarcher des contrats. Certains collègues doivent faire des choix « alimentaires », c’est donc plus compliqué. Il y en beaucoup qui ne veulent plus être en salle et malheureusement il n’y a pas beaucoup de personnes pour vous payer au quotidien. J’ai toujours choisi mes postes et mes partenariats en toute liberté, sans pression financière. Parfois, j’ai volontairement préféré accepter des collaborations et des postes peut-être moins prestigieux où je gagnais moins mais où j’avais toute liberté d’expression pour respecter mes valeurs. Si je devais donner autres deux conseils pro pour la gestion de sa carrière c’est avoir un bon avocat et un bon comptable, et se protéger avec des contrats notamment concernants vos droits à l’image – surtout ici aux Etats-Unis. 

Dans un entretien pour France Info en 2018, vous dites que pour vous que « New-York est la plus grande ville au monde au niveau du vin ». Est-ce toujours une réalité en 2020 ?
New York Vin

Illustration New-York Empire State Building

Absolument. À voir comment, la ville se remet de ce choc sanitaire et économique (pandémie du Covid-19). Il faudra être attentif à la reprise mais, oui à votre question pour plusieurs raisons : la puissance financière, le cosmopolitisme et la gastronomie. Tout est juste démultiplié ici. Prenez par exemple Hong-Kong et Singapour, il n’y a pas autant d’accès aux vins. Il y a des collectionneurs historiques à New-York qui ne sont pas forcément en Asie. 

Je suis toujours étonné de cette « proximité » avec l’Europe. De nombreux vins arrivent très régulièrement et des achats de collection entière ne sont pas rares. Le dollar joue un rôle important. C’est une monnaie forte, l’argent est là et les gens sont curieux. Concrètement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’inconvénient à commencer par une énorme bouteille de Champagne, de poursuivre avec un vin blanc Corse, puis un vin rouge autrichien et enfin finir avec un très vieux Madère. 

À cela s’ajoute une très bonne structuration avec les importateurs, les distributeurs et la connaissance technique des professionnels, et une force de frappe médiatique – avec des critiques et magazines historiques, et avec les médias sociaux. Il y a un vrai marché dynamique, avec un énorme potentiel de croissance… 

La filière française s’inquiète de la politique internationale de Donald Trump. Vous qui êtes française aux États-Unis quels sont les difficultés que peut engendrer cette politique et comment voyez-vous l’avenir ? 

Cette question arrive dans une période qui est et sera très compliquée. Le président Donald Trump a gardé les 25% sur les vins français, le marché a énormément ralenti. À cela on ajoute la fermeture des restaurants et donc la chute des achats/ventes ainsi que l’évolution d’achats des consommateurs depuis plusieurs semaines. 

Pour beaucoup de distributeurs et d’importateurs c’est très dur. Il faut comprendre que la taxe de 25% doit être payée dès que la marchandise arrive au port et non une fois la revente effectuée. C’est une catastrophe et difficile de prévoir ce qui va se passer. 

Il y a beaucoup de lobbying à Washington mais là, en ce moment (Avril 2020), c’est le cadet de leurs soucis. Une fois l’économie repartie, les prix vont augmenter et le pouvoir d’achat va sans doute baisser dans les prochains mois. Les vins français ont le vent en poupe mais, il faudra redoubler d’efforts pour remettre certaines catégories de vins français, certaines régions dans le centre d’intérêt du public car cette crise affecte tout le monde. 

J’imagine que beaucoup de pays vont miser sur un travail promotionnel aux États-Unis. La problématique si vous sortez des sphères élitiste dans lesquels j’évolue avec des clients connaisseurs et une filière relativement pointue est la communication des vins français d’entrée et milieu de gamme. Le positionnement de vente est souvent compliqué et il y a un retard en matière de digital. En terme de rapport qualité/prix cependant je ne suis pas inquiète car les vins français sont imbattables. S’il y a un grand respect des appellations telles que la Bourgogne, le Champagne, les grands Rhône on ne peut pas en dire autant des Alsace village, Sauvignons de Touraine, Bordeaux Supérieures où là c’est plus compliqué. La culture viticole française doit vraiment rentrer dans l’ère de la communication digitale… 

On vous connaît un attachement pour les vins biologiques et naturels. Que répondre à ceux qui pensent que c’est un concept dans l’air du temps ? 

Je suis triste pour eux (rires). Cela prouve une méconnaissance de la crise viticole et agricole actuelle. Ce qui m’attire dans ce type de vin notamment ceux, avec peu d’intrants et juste des sulfites ajoutés, c’est qu’ils révèlent une autre dimension de ce que pourrait être le vin. 

En terme organoleptique et esthétique, c’est vraiment quelque chose de nouveau qui m’a permis d’approfondir le mode de production et de découvrir cette réflexion sur la viticulture. 

On peut distinguer différents types de viticultures. L’exemple d’une monoculture industrielle avec la volonté de faire des vins d’entrée de gamme ou non qui sont par la suite énormément manipulés en cave, c’est aller dans le mur, c’est une érosion des sols assurée, une destruction de ce qui permet la production-même… les vignes meurent, les biodiversités meurent…. Qu’arrive-t-il après?. J’ai eu l’occasion de lire un ouvrage très intéressant qui précisait qu’historiquement en agriculture : on prend à la plante autant qu’on lui donne. C’est-à-dire par exemple que vous prenez le raisin mais après, vous laissez les rafles, etc. Cela supposait que la plante puisse être nourrie suffisamment par l’activité humaine pour qu’elle puisse continuer à croître, à développer, à produire. 

Aujourd’hui, on produit chimiquement, on ajoute des engrais de synthèse et on fait quasiment du hors sols. Il n’y a plus de pénétration racinaire et on fait face à des plantes qui meurent dans des cycles très courts (au bout de 15 à 20 ans on doit déjà replanter), il n’y a plus de biodiversité. Il faut tirer la sonnette d’alarme plus rapidement que jamais ! Et je ne parle même pas de la pollution des nappes phréatiques, de la destruction de populations d’insectes, champignons, levures, bactéries – que nous ne voyons même pas, ni des conditions et des impacts des produits sur l’humain. 

Je défends ces vins car pour moi, ils sont plus complexes gustativement lorsqu’ils sont bien menés car il y a aussi de vrais problèmes de vinifications avec les vins nature. Certains ont beaucoup de défauts et peu de personnalités mais certains rassemblent des choses absolument incroyables et tout ce qu’on aime : terroir, homme, cépage. 

Le plus important, c’est que ce sont des mouvements (bio, biodynamie, naturel) qui offrent des alternatives de viticulture. Parlons-en car on a l’impression que ces alternatives polluent la planète – la question du cuivre est sans cesse brandie en étendard comme preuve de cette pollution… En réalité c’est beaucoup plus complexe et je le vois comme du lobbying de l’industrie pétrochimique pour démonter le mouvement. Si la viticulture conventionnelle nous montre des alternatives de préservation des sols, de retour à la biodiversité, on parlera différemment mais, les modèles de viticulture conventionnelle intensive conduisent à la mort des sols. En tant que prescripteur, je ne peux pas soutenir financièrement ce genre de mouvement. La politique ne marche pas à l’heure actuelle par rapport à ça, mon bulletin de vote ne va pas faire changer les choses – mais je vais continuer à voter! Les lobbyistes sont trop importants mais, mon pouvoir de consommatrice citoyenne et mon certain pouvoir médiatique peuvent me permettre d’avoir une voix supplémentaire, d’inspirer d’autres à se poser des questions. 

Pour les gens qui pensent que c’est un concept dans l’air du temps, je leur dis que je suis désolée – peut-être au niveau du sans souffre – mais, que ce mouvement nous montre que le futur, c’est lui. 

Le vin a une position particulière et privilégiée par rapport aux autres produits agricoles. La valorisation et la médiatisation sont très fortes. Cela mérite une vraie réflexion sur les changements sociaux. Il faut accepter de payer un certain prix – justifié – pour la qualité des produits que vous avez dans vos assiettes. 

J’entends dire « le bio est trop cher » et « le petit producteur est trop cher » mais, si vous ramenez à un budget de famille, vous verrez que le budget alimentaire a diminué au cours des 20 dernières années. Tout est question de priorité. Si vous mettez de l’argent pour l’achat d’un Iphone, d’un abonnement Netflix et dans une paire de chaussures Nike, l’argent part. Par contre, si vous investissez ce même argent dans le soutien à notre filière, votre budget va changer et vous aurez l’argent pour acheter cette nourriture et ces produits. Et vous serez aussi sans doute en meilleure santé, vous aurez sans doute une meilleure activité intellectuelle car votre cerveau sera bien nourries, votre flore intestinale sera en plein forme!

Au restaurant, je travaille quasi en direct avec de toutes petites structures, de petits producteurs pour garantir à la fois la provenance des produits, développer la filière courte et savoir où va l’argent. 

Je prône un changement alimentaire fort et je prône également le moins. Il faut une déconsommation. Manger moins mais mieux et boire moins mais mieux. On connaît tous ces problèmes des vins rares qui dépassent des milliers de dollars. Mais à cela je réponds regardez ailleurs, changez, goûtez d’autres choses. Il y a des vins incroyables mais ils n’ont pas la bonne étiquette. 

Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme dont le rêve est de vivre du vin et de ses métiers ? 

Croire en ses rêves. il faut au quotidien se dire qu’il faut travailler et montrer plus. Il ne faut pas en être douter, c’est comme ça, c’est encore là. Je conseillerais de se frotter vraiment aux réalités du métier. C’est un métier super à savoir, pas forcément que glamour et très dur. Je lui dirais de passer beaucoup de temps au contact des vignerons dans la vigne, pour savoir exactement de quoi on parle. Aussi donner en retour, enseigner, partager son savoir. Et pour finir, avoir une certaine abnégation, toujours penser à se comporter en professionnel d’abord avant de se comporter en femme. Il y aura un passage comme ça où il faudra être la meilleure professionnelle possible peu importe le sexe. 

Un conseil à donner à nos lecteurs pour faire déguster et connaitre leurs vins ? 

Bonne question. Pour commencer, avoir un vrai compte propre sur Instagram. Ça prend un peu de temps à mettre en place mais, c’est une très bonne façon de faire parler de son travail. N’oubliez pas que les photos doivent parler au grand public. Il y a une vraie communication entre acheteurs. Si un nouveau producteur s’installe sur une appellation peu connue, que son travail est qualitatif et qu’il dispose d’un site internet bien fait, nous le saurons. Malheureusement, il y a énormément de site qui ne sont pas mis à jour, sans photos, sans informations. C’est très compliqué pour les acheteurs. Il faut prendre le temps de faire des photos propres. Le travail avec les acheteurs locaux (CHR) est également primordial. Par exemple, je suis en contact avec de nombreux cavistes en France. Je regarde ce qu’ils font, ce qu’ils achètent et j’échange souvent sur Instagram avec eux sur ce qu’ils rentrent. 

Il faut également aller dans des salons professionnels qui correspondent aux modes de distributions choisis. Même dans les petits salons, de nombreux acheteurs se déplacent. Parfois, vous êtes surprise car il y a beaucoup d’importateurs et de distributeurs qui viennent et cherchent. Pour des salons comme ProWein et Wine Paris c’est peut-être un peu plus compliqué car ce sont des salons à grande échelle et tout dépend des volumes de production.Sauf si vous êtes un groupe de vignerons car l’union fait la force. 

Le petit plus : envoyer à quelques prescripteurs dont vous vous sentez proches des échantillons et un bon support digital. 

Le mot de la fin? 

On est dans une filière incroyable en pleine évolution à un tournant de son histoire. Je pense que la crise (pandémie du Covid-19) va avoir des répercussions dans la durée et apporter beaucoup de changements, offrir des possibilités de consommer différemment. La France a une carte incroyable à jouer. Il faut qu’elle continue à valoriser sa production et qu’elle sache en parler. 

On est dans un côté traditionnel avec nos appellations, notre histoire du vin et il faut réfléchir sur les modes de production pour voir dans quel sens on va pouvoir préserver la biodiversité et l’avenir agricole. C’est des questions que le consommateur se pose et il va continuer à se la poser. Les jeunes vont continuer à consommer différemment donc, il faut leur proposer des produits avec une vraie éthique en gardant en tête la modernité. 

 

Entretien réalisé en avril 2020. Propos recueillis par Noémie Lauriot.

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Le 11 mai 2021